Soyons Vulgaire

L’argot en musique

La musique a toujours été le véhicule privilégié de l’argot de son époque. Et n’en déplaise à Serge Gainsbourg qui qualifiait la musique « pop » d’art mineur, l’influence d’une ritournelle à la mode sur l’esprit des gens et de leur vocabulaire est de toute évidence bien majeure. Est-ce la grande tradition poétique de la France, ou ses multiples patois régionaux qui ont donné le goût aux paroliers musicaux du bon mot et de l’argot ? Probablement un peu des deux. Mais aussi le fait que contrairement à la musique dite “classique”, la musique populaire a toujours eu pour ambition de séduire un public majoritairement jeune. Et qui dit public jeune dit effet d’appartenance, attrait pour la nouveauté et goût pour la transgression. Bref, un terreau parfait pour l’argot ! Mais attendez… concrètement, c’est quoi l’argot ?

Soyons Vulgaire

Si google nous donne comme définition le très sage : Vocabulaire et habitudes de langage propres à un milieu fermé, dont certains mots passent dans la langue commune, historiquement le terme désignait “l’ensemble des gueux, bohémiens, mendiants professionnels, voleurs. Synonymes : Le Milieu, la pègre”.
Exemple :
Puis c’était le royaume d’argot : c’est-à-dire tous les voleurs de France, échelonnés par ordre de dignité
Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, p. 81 (1832.
Notons donc que l’utilisation de l’argot s’inscrivait à l’origine dans un patrimoine de marginalité et de criminalité.
Or, si l’on devait dresser un trombinoscope des utilisateurs d’argot dans la musique française, on commencerait probablement avec Georges Brassens. Car pipe en bouche, l’homme a non seulement mis en musique un vocabulaire rempli d’argots de différentes origines, mais aussi fait de l’insolence une vertu, à l’image de sa chanson “Gare au gorille” interdite plusieurs années sur les ondes.
Quelques années plus tard, c’est Renaud qui repris le flambeau en faisant notamment du verlan sa marque de fabrique, comme en témoigne son fameux Laisse béton en 1977, qui a énervé beaucoup de parents de l’époque.

Et plus récemment, c’est évidemment le rap -puis son enfant illégitime la pop urbaine- qui se sont fait grands utilisateurs de l’argot, et qui n’hésitent pas à puiser dans différentes langues pour tordre et créer de nouvelles expressions.
En témoigne notamment le phénomène linguistique de l’été dernier, le retour en force du mot moula que les anciens connaissaient déjà depuis J’ai pas de face d’Akhenaton  en 1996 ou  le refrain de  Caramel de Booba (2012). Sa remise au goût du jour par Heuss l’Enfoiré, Niska ou encore MHD a été suffisamment impactante pour donner naissance à un grand nombre d’articles cherchant à décrypter la signification de ce mot, tout comme mamène contraction de “my man” (mon gars) amené quelques années auparavant par le breton Lorenzo.
Mais c’est sans doute Djadja d’Aya Nakamura qui a le plus fait jaser sur son vocabulaire, tant le succès du titre et de l’artiste ont été énormes. Qui n’a pas entendu “Ah mais on comprend rien à ce qu’elle dit !” à un dîner en famille ou lors d’un voyage en Uber partagé avec une personne (un peu) plus âgée ?

Et au final, cela n’a rien d’étonnant, car chaque époque crée son vocabulaire cool et renouvelle sans cesse les termes à la mode. Mais si l’argot s’enrichit sans cesse de nouveaux mots, certaines formes ne survivent pas au passage du temps : ainsi, qui utilise encore -os pour finir les mots (exemple : craignos, calmos, coolos…) à part ce vieux tonton qui veut toujours faire jeune ?
Sources : https://www.cnrtl.fr/definition/argot