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Rencontre avec le fabuleux Yadam, jeune artiste vénézulien avec qui on peut parler Nouvelle Star, immigration et fraternité sans transition. Son histoire couvre la moitié des sujets d’actualité et plutôt qu’une biographie, il en a fait un EP : Safeplace

On te découvre à la Nouvelle Star en 2017. On te retrouve avec un premier EP en 2020. Qu’est-ce qu’il s’est passé pendant trois ans* ?

*Précisément 2 ans et 2 mois se sont passés entre la finale et la sortie de mon EP. Et il s’est passé beaucoup, mais vraiment beaucoup de choses. Après la finale, j’ai appuyé sur « reset » : j’avais un public, des attentes, l’envie et tout mais je n’avais pas de musique ou d’idée précise de ce que j’avais envie de faire et devenir. Donc, on a recommencé de zéro.

La première année a été fondamentale côté musique puisque j’ai appris à composer et écrire. J’ai fait des rencontres importantes, telle que celle de mon manager Jean-Michel Journet et de Max Lunel qui produit mes chansons. J’ai appris à dire non et à être assez têtu pour défendre les idées que je commençais à avoir sur l’intention et l’image artistique que je voulais en dégager. Sur le côté perso, il ne faut pas oublier que je venais d’arriver dans un tout nouveau pays, sans rien, et qu’il fallait aussi que je finisse de m’établir, apprendre les bases et mettre tous mes papiers en ordre pour travailler dans la musique et rester en France. Donc ça a été une année assez longue mais nécessaire.

L’année 2 a été celle des premiers pas. J’ai commencé à faire des scènes, mes premières interviews et sessions photos, à tourner des clips aussi autour du concept de Safeplace. Entre janvier et novembre 2019, on a tout préparé avant de lancer mon premier single YADAM, sorti en novembre.

YADAM - Interview - KAO MAG

C’est ton premier projet. C’était risqué de chercher tout de suite la singularité plutôt que faire ta place dans un style déjà identifié ?

J’ai eu un échange assez important avec un artiste très connu qui m’avait vu à la télé. On parlait d’une autre artiste que j’aime beaucoup qui s’appelle Lykke Li et de son style de musique. Malgré la qualité, elle n’est pas aussi exposée et streamée que peut l’être un artiste qui fait de la pop-urban selon les codes déjà établis. Bref, il m’a dit : « soit tu fais de la musique comme les autres et tu te satisfais avec des milliers de streams et de passages radio, soit tu fais un projet vraiment réfléchi, à ton image, avec un son à toi, qui peut ou pas ‘percer’ mais qui te fera comprendre ce que c’est d’être artiste » (comme c’est le cas pour Lykke Li).

Je ne veux pas juger les choix des autres artistes, vraiment. On fait tous de la musique pour des raisons différentes et c’est légitime. Mais personnellement, j’ai mille fois préféré pouvoir développer quelque chose d’artistique, de nouveau, de risqué (puisqu’on ne peut pas savoir ce que ça va donner) et surtout de réel et honnête que de surfer sur la même vague que d’autres artistes repérés à la télé comme moi. En plus, je me disais que mon vécu, mon histoire et mes sacrifices méritaient une présentation assez classieuse.

Tu es né au Venezuela. Tu as grandi aux États-Unis. Tu vis en France. Elle est où ta “safeplace” ?

Franchement, ma Safeplace est temporaire à chaque fois. Mais je garde toujours des bouts de mes anciennes « safeplace » dans le coeur. La France est actuellement une Safeplace pour moi, et dedans j’ai beaucoup de mini-safeplace. Par exemple : le studio, la maison de ma famille d’accueil, les concerts. Mais je n’oublie pas le Venezuela et mes souvenirs des Etats-Unis. Tout ce que j’ai vécu et vis actuellement me forme, me transforme et constitue une Safeplace pour moi.

YADAM - Interview - KAO MAG

En 5 titres, tu chantes en trois langues : espagnol, anglais, français. En quelles langues écris-tu tes chansons à la base ?

Dans la langue qui les inspire au départ. Dans ma tête, je pense que j’ai méthodiquement identifié certains styles/sons avec des émotions différentes et ensuite avec une langue particulière. Par exemple, les chansons douces d’amour ou de rupture sonnent mieux avec ma voix lorsque je chante en espagnol – quand l’intention que je veux donner est assez passive. J’expérimente ça actuellement en écrivant mon prochain projet. Si je voulais prendre la même émotion mais en écrivant en anglais, le style/son serait beaucoup plus fort, brut, électro et donnerait un air plus dynamique ou agressif, comme pour mon titre Say you’re sorry.

Le choix de la langue du titre est important ?

C’est plus une évidence qu’un choix prémédité. La langue me permet de rendre vraiment honneur à l’émotion que j’ai envie de dégager de manière très transparente et honnête. C’est l’émotion qui choisit comment elle s’exprime à travers moi.

YADAM - Interview - KAO MAG

Dans tes interviews , tu évoques l’immigration de ta famille vers les Etats-Unis, la mono-parentalité, l’autisme de ton frère jumeau, l’homosexualité (sublime interview à lire sur Têtu). Quel est le lien avec ta musique ?

Mon dieu, tout est lié à ma musique. Après, je fais vraiment attention à ce que les chansons soient aussi universelles que personnelles. C’est à dire, si tu connais mon histoire et toutes ces choses qui en font partie, et qu’après tu écoutes ma musique, tu vas avoir l’impression de me connaître et de comprendre chaque chanson. Mais si tu découvres juste ma musique, je voulais que les textes puissent rentrer dans ta tête et que tu puisses y retrouver ton propre vécu. Je pense que toutes ces choses m’ont appris que je ne suis pas le seul à avoir « une vie dure » et justement j’avais envie de dire à tous ces gens qu’ils n’étaient pas seuls dans leur recherche d’une safeplace.

Tu parles aussi beaucoup de la crise au Venezuela. Ta musique est politique ?

Non mais ce que je représente, mon vécu et mes accomplissements sont une forme inconsciente de faire de la politique. De toute façon, tout ce qu’on fait, qu’on le veuille ou non, est politique. Parce que chaque chose que je partage de mon art et de ma vie est une manière de dire « Je viens du Venezuela, j’ai tout quitté et je réussis ». Ça parle aux autres Vénézuéliens qui ont besoin d’espoir et de croire qu’eux aussi ils peuvent réussir. Ça parle aux gens de différentes nationalités qui vont en apprendre plus sur la situation qui m’a obligé à être séparé de ma famille et de mon pays. Je pense aussi que mon histoire permet à certains de prendre conscience et d’avoir plus d’empathie sur l’immigration et certains thèmes comme l’asile.

YADAM - Interview - KAO MAG

Sur la pochette, tu es seul à genoux à côté d’un lit, une bougie dans les mains. Qu’est ce qu’on doit y voir ?

Lorsque je passe une mauvaise journée, je cours dans ma chambre et me jette par terre ou sur mon lit en pleurant. Souvent, je prie. D’où la position plutôt à genoux et la bougie qui à la fois représente mon côté croyant mais aussi le fait qu’au Venezuela, il y a beaucoup de coupures d’électricité qui nous obligent à nous habituer à vivre avec des bougies pour illuminer nos maisons. Ensuite, ce qui me touche beaucoup, c’est l’image de ma mère qui me regarde. Un souvenir et un moyen de me redonner de la force. Elle représente ce qui fait que je reste debout et n’abandonne pas. Un dernier détail : le sol de ma chambre en parquet très parisien… car je ne suis plus au Venezuela il paraît 😉

Cette image représente ma safeplace : parfois sombre mais pleine d’espoir. C’est le début mais aussi la fin de ce cycle de changement dont je parle dans Safeplace. Chaque chanson représente une émotion d’un processus qui se répète dans nos vies. Et le point final à tout ça, qui est finalement le début de la vague suivante pour moi, est représenté dans cette pièce.

YADAM - Interview - KAO MAG

La famille, c’est le plus important pour toi mais elle est loin. Alors tu t’es entouré de qui pour réaliser ce premier projet ?

Pour tout ce qui concerne la musique, j’ai passé et passe la plupart de mon temps avec mon manager. Tous ceux qui le connaissent et me connaissent, me disent que j’ai de la chance. Il se surpasse pour le projet mais aussi au niveau personnel. J’ai aussi mes moments capricieux de temps en temps ou souvent je fais des bêtises de « jeune » haha mais il est toujours là et c’est cool. Merci Jean-Michel Journet.

Il y a aussi Max Lunel. Sans lui Safeplace n’existerait pas non plus. Il a construit cet univers avec moi et le temps qu’on passe ensemble nous permet de créer de belles choses que vous pouvez écouter sur Safeplace et sur les projets à venir. Je lui envoie des démos et après c’est lui qui est à la machine. J’ai de la chance de travailler avec lui, qu’il m’accompagne sur scène et croit en moi. Dans la vie plus personnelle, j’ai ma chère famille d’accueil qui est toujours là et des amis très chers que j’ai depuis la Nouvelle Star. Leurs familles me traitent comme si j’étais de la leur et ça, vraiment, ça compte BEAUCOUP pour moi. Sans oublier mes fans qui me soutiennent à fond !

YADAM - Interview - KAO MAG

Les images et les symboles sont importants dans ta musique ?

Beaucoup. D’ailleurs, c’est ce que je préfère dans tout le processus de création : créer l’image qui traduit exactement le message que j’ai envie de transmettre et y ajouter tous les détails et les symboles qui complètent les différents sens de ma musique et de mes paroles. J’aime le côté mystérieux que ça donne et puis aussi le fait que ça te permet de dire des choses qui ne sont pas forcément explicites dans la chanson.

Dans le titre “empty doors”, tu parles des portes qui s’ouvrent à nous mais ne mènent finalement à rien. Finalement, c’est ce qui t’a permis de faire cet EP ou t’a ralenti ?

Ce qui m’a permis de faire cet EP, ce n’était pas la porte « vide » mais ma détermination, mon ambition et mon désir de ne pas me laisser faire par une illusion ou un faux chemin. Du coup, ces portes peuvent me mener à rien mais je décide de faire de ce « rien » un « quelque chose » . Et dans la vie, à chaque fois qu’on se trouve dans ces situations, on peut choisir de déprimer et tout arrêter ou se dire « nan, pas moi, je vais réussir, je le sais, je vais trouver une manière, je dois juste me recentrer ». Je suis souvent dans ce groupe et c’est grâce à ça que Safeplace a vu le jour

YADAM - Interview - KAO MAG

Beaucoup d’artistes émergents lisent KAO et se questionnent sur les concours de chant, les télé-crochets, les contrats qu’on leur propose. Tu as un conseil à leur donner ?

Tous les parcours sont différents. Je sais que je n’aurai probablement pas pu me lancer dans la musique sans une émission comme la Nouvelle Star car je n’avais pas de moyens, de matériels et d’opportunités pour me faire connaître. (Après, je vivais dans un tout autre pays donc voilà, c’est vraiment mon cas exceptionnel). Sinon, si vous voulez devenir artiste, n’attendez pas un télé-crochet pour commencer à écrire des chansons et trouver votre univers et un public. Si vous voulez faire un télé-crochet, gardez bien en tête que ce n’est pas ça, ni eux, qui vont faire vos carrières. C’est vous, la façon dont vous vous présentez, ce que vous acceptez de faire ou pas et ce que vous faites de la visibilité et du public que cette opportunité vous donne. Restez fidèles à vous-mêmes. Une dernière chose, pensez toujours au long terme. Est-ce que ce que l’on me propose me convient maintenant mais pour peu de temps ? Ou est ce que je préfère attendre une meilleure opportunité qui me donnera plus de stabilité et correspond à mes ambitions plus profondes ? Réfléchissez bien. Mais n’oubliez jamais qu’au final, on fait ça parce qu’on aime la musique ! Ne laissez jamais quelqu’un vous enlever votre passion.

Crédits photos : Diane Moyssan / Hector Abela

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Suzon Depraiter

Author Suzon Depraiter

Rédactrice en chef web, Suzon est surtout fan de boules à facettes et de fringues à paillettes.

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