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SAINTE NICOLE

Programmatrice et artiste-résidente du Cancan Pigalle, Sainte Nicole a fait de ce cocon feutré de SoPi dont le néon rose surplombe la rue de Douai, un chaleureux repaire d’artistes à suivre. Chaque mardi soir, on y croise les professionnel•les de l’industrie en vue et la scène émergente parisienne bouillonnante, majoritairement féminine – dont Sainte Nicole fait elle-même partie. À la fois bookeuse, ingé-son, ingé-light, organisatrice, productrice et MC : Sainte Nicole officie à tous les postes jusqu’à emprunter, quelques soirs, une guitare pour y interpréter ses propres compositions. Rencontre avec Sainte Nicole qui concilie vie d’artiste et de programmatrice.

Tu es une personne pleine de facettes : à la fois programmatrice au Cancan Pigalle et aussi artiste autrice-compositrice-interprète. Quel a été ton parcours pour en arriver là ? La musique a-t-elle toujours été une évidence ?

La musique a toujours fait partie de ma vie mais j’ai mis du temps à m’autoriser à la considérer comme une évidence professionnelle. J’avais des facilités à l’école, j’adorais les maths, et c’est de bon cœur que j’ai fait une prépa scientifique puis les concours pour les Grandes Écoles, comme on les appelle. C’est en prépa que j’ai commencé à écrire des chansons et en école d’ingénieur que j’ai senti que je ne me sentais pas à ma place, que j’avais un rêve qui était trop fort et que je devais le poursuivre. J’ai tout de même fini mes études et commencé à travailler avant de tout quitter pour faire de la musique.

En quoi consiste ton rôle au Cancan Pigalle ?

Je suis artiste résidente et mon rôle est de développer l’activité de concerts au Cancan en rendant cette salle attractive, à la fois pour les artistes et pour le public. J’ai la chance d’avoir beaucoup de liberté depuis le lancement du concept, de la mise en place du modèle économique jusqu’à l’activité de programmation. Je fais de la veille sur les artistes, organise les dates, gère le calendrier, fais le suivi au niveau de la communication et du remplissage. Et le soir-même, je les présente au public et assure la régie son. J’ai pas mal de casquettes en fait ! Il m’arrive aussi d’organiser des évènements qui rassemblent des professionnel•les de l’industrie musicale afin que le Cancan soit identifié comme une salle incontournable de la nouvelle scène française.

Que veux-tu apporter à la programmation du Cancan Pigalle ?

Je cherche à créer une synergie entre les artistes qui viennent s’y produire, avec l’idée que ce soit un lieu de rencontres et qu’entre artistes on puisse se tirer vers le haut plutôt que de se tirer dans les pattes. Pour cela, j’ai mis en place des ateliers scéniques entre artistes où l’on se coache mutuellement sur nos prestations scéniques. Et j’organise aussi, en plus des concerts, des scènes ouvertes où règne un esprit de bienveillance et de partage. C’est l’occasion pour les artistes de monter sur scène quel que soit leur stade de développement. C’est important de leur donner cette chance.

Enfin, je programme majoritairement des femmes. Je ne sais pas bien si c’est par militantisme ou simplement parce que je suis une femme. Peut-être que s’il y avait plus de programmatrices, il y aurait plus de femmes sur scène ! En tout cas, j’ai à cœur de développer un esprit de sororité autour de cette salle. 

Est-ce que ton activité de programmatrice t’inspire dans la création musicale ?

Cela m’aide à prendre du recul sur ce que je fais. À savoir dans quelle famille artistique je me situe. Et à sortir de ma zone de confort en étant plus critique à l’égard de ce que je produis.

C’est très formateur d’aller à des concerts, d’observer les artistes sur scène, les instruments choisis, la construction de leurs sets, leur manière d’utiliser leur corps et d’interagir avec leur public. Je crois que ça m’inspire encore plus pour la création du live que la création des morceaux en eux-mêmes.

Et comment se passe la création de ton premier EP en parallèle de tout ça ?

C’est un chemin passionnant qui demande à la fois beaucoup d’introspection et d’aller vers les autres. J’apprends beaucoup. Quand on est au début d’un projet, il faut réussir à constituer son équipe, et comme on ne génère pas une économie, il faut avoir une vision suffisamment forte pour que des gens y adhèrent et veuillent y contribuer. Je découvre que faire un EP n’est pas seulement créer et enregistrer de la musique mais monter une vraie entreprise fédérant des talents multiples autour d’un projet dont tout l’enjeu est de réussir à en dessiner les contours. Pour cela, il faut accepter que cela prenne du temps. Le temps de conscientiser pourquoi on crée, pourquoi on s’expose ; le temps d’essayer, de se tromper, puis de trouver comment on veut que ça sonne, ce qu’on veut raconter et avec qui on veut travailler. Comme j’ai vraiment envie d’être fière de ce 1er EP, j’y mets le temps qu’il faut. Ma sœur est ma manageuse et en tout on est une dizaine sur le projet. Je travaille sur la musique avec Chillroom. On a arrangé ensemble l’équivalent d’un album qui ne sortira jamais, mais qui nous aura permis de trouver notre son. Maintenant on commence à tenir quelque chose ! Dans le processus créatif, j’ai fini par mettre de côté ma guitare ce qui m’a permis de me reconnecter à la danseuse que je suis et d’expérimenter la scène en tant que corps mouvant. C’est assez jouissif ! Nous sommes désormais dans la phase de finalisation de l’EP et nous prévoyons une sortie de 1er single en octobre.

Est-ce parfois difficile de jongler entre tes différentes activités et de ne pas être artiste uniquement, ou vois-tu cela comme une force ?

Je vois cela comme une force, car mon activité de programmatrice reste dans le même monde. Cela me permet notamment de développer mon réseau, ce qui est très précieux. Ce qui était difficile, c’était d’être ingénieure et artiste. J’étais sans cesse tiraillée entre deux mondes opposés qui ne se comprenaient pas. J’avais beaucoup de mal à me définir et à savoir où j’allais. Aujourd’hui c’est très différent. Je me sens à ma place.

Comment décrirais-tu ton univers artistique à quelqu’un qui ne te connait pas ? D’où vient le nom Sainte Nicole ?

Mon nom d’artiste rend hommage à mes deux grands-mères qui s’appelaient toutes deux Nicole. Elles étaient deux femmes extraordinaires et opposées en tout, sinon en l’amour qu’elles portaient à ma sœur et moi. Une opposition entre tradition et modernité, entre les codes du féminin et du masculin, entre la vie de famille et la vie professionnelle.

Ces oppositions j’essaie de les retranscrire dans ma musique et dans mes textes. J’aime jouer sur les contrastes. Il y a des basses profondes, des beats modernes et des synthés électros qui tranchent avec ma voix très claire soutenue par des chœurs volontairement scolaires.

J’aime bien dire des choses grinçantes avec une voix douce. Je m’amuse de mon côté « petite bourge qui s’encanaille ».

Ton écriture est à la fois crue, poétique et sincère. Est-ce qu’il y a des thèmes qui te tiennent plus à cœur ? Ou des sujets importants pour toi à retranscrire en chanson ?

Ce qui m’importe c’est d’être vigilante sur le fait que je parle vraiment de moi, de mes expériences avec mon point de vue de femme. Cela paraît évident, mais ça ne l’était pas quand j’ai commencé à écrire. Adolescente, je me demandais pourquoi mes textes d’amour étaient adressés à des femmes imaginaires alors que j’étais hétéro. Je me demandais si c’était ma part d’homosexualité qui s’exprimait, ou par narcissisme, mais en fait c’était de la pure reproduction de ce que je lisais, voyais, entendais ; du male gaze quoi. Aujourd’hui, je porte une attention particulière à exprimer mon point de vue. Dans les textes de mon EP, je parle de sexualité, de normes sociales, d’emprise, de pertes de repères, d’acceptation de soi. Quand je critique, c’est en mettant en avant ce qui pourrait être, ou ce qui est mais qu’on ne montre pas suffisamment. Je n’ai pas envie de taper sur les doigts de qui que ce soit, à part les miens éventuellement ! Proposer une vision, sans me prendre trop au sérieux : l’EP s’appellera d’ailleurs « Vanité ».

Quelles scènes musicales t’inspirent ? Quelles sont tes influences ?

Je trouve qu’il y a dans la nouvelle scène pop et rap française une émulation artistique très inspirante qui m’a poussée à me questionner sur mes influences et sur le son que j’avais envie de produire. Je me suis peu à peu émancipée du jazz qui est ma culture musicale originelle et je suis allée puiser dans du Mylène Farmer, Marilyn Manson, Polo and Pan, Yelle, Billie Eilish.

As-tu des artistes émergent.e.s à nous recommander ?

Pleins ! Kalika, Brö, Reb, Ehla, Londe, Anabel, Olga Kiav, Frieda …

Si tu ne devais écouter plus qu’un ou une artiste, le ou laquelle choisirais-tu ?

Chet Baker car il me met autant en joie qu’il me fend le cœur. Je pourrai écouter sa musique à l’infini, sans m’en lasser.

On peut te voir bientôt sur scène ?

Oui ! Au Cancan Pigalle en co-plateaux avec des artistes que j’adore, prochaine date le 28 juin avec Brö. Le 10 juillet à Pantin pour le festival 193 Beach qui aura lieu à Sand Fabrik. Et le 20 août à Genève pour le festival Les Aubes Musicales. Toutes les infos sont sur mon insta : @saintenicole !

Qu’est-ce que je peux te souhaiter de bon pour la suite ?

Que ma musique parle aux gens !

Crédit photo : Chameleonne

Kao

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